Ce concert d’avant-programme du Festival Les Nuits pianistiques, est consacré, dans les murs du Conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence, à l’immense concertiste et professeur de piano qui a contribué à faire rayonner cette maison : Bernard Flavigny. Il réunit, autour du pianiste concertiste et professeur Michel Bourdoncle, qui fut son élève, des professeurs de cordes du Conservatoire.
Une allocution de Michel Bourdoncle, qui est également directeur artistique du Festival Les Nuits pianistiques d’Aix-en-Provence, au milieu du programme, résume tout ce que lui-même doit à ce grand passeur d’émotion et d’imagination musicales, avec d’autres pianistes de renommée internationale, notamment au Mexique où Bernard Flavigny aura également enseigné. Il en trace le portrait, dans sa relation à la musique et à son enseignement, soulignant l’esprit de jeunesse et de renouvellement d’un artiste qui interroge en permanence les œuvres, y compris celles avec qui il entretient une relation de longue date.
Les deux œuvres sélectionnées par le programme présentent de subtiles affinités. Le piano offre un centre de gravité, un milieu de vie, aux cordes avec qui il dialogue. Elles sont composées par deux maîtres d’écriture qui ont fait de la tonalité un voyage initiatique, entre les espaces thématiques et harmoniques. Il s’agit d’œuvres qui comptent dans le répertoire construit, édition après édition, par le Festival. Elles se laissent enfin profondément pénétrer par la relation des compositeurs à leur contexte de création.
Le Trio n° 1 opus 8 a traversé l’existence de Brahms, depuis son écriture précoce jusqu’à sa révision au presque soir de sa vie. Le Quintette n° 2 opus 81 de Dvorak est traversé par la relation du compositeur aux territoires vécus, quittés, imaginés et retrouvés. Le célèbre deuxième mouvement, qui frappe par sa longueur et son élaboration, reprend un élément de musique traditionnelle ukrainienne, la dumka. Son balancement n’a rien d’une berceuse ; à l’inverse, il permet l’introspection, le questionnement et l’ouverture de la conscience.
Dans Brahms, les circulations thématiques, qui constituent le cœur palpitant de la forme, sont particulièrement ouvragées. Leurs couleurs oscillent, selon les mouvements, entre lave incandescente et souffle luminescent. Par l’écoute mutuelle des interprètes, chaque proposition entre dans un jeu serré d’écho et de transformation.
Dans Dvorak, une manière nuancée de faire avancer le matériau thématique caractérise l’interprétation de la formation chambriste, enrichie d’un autre violon et d’un alto. Les modulations se font saisissantes, creusent ou déploient les espaces harmoniques. Elles relèvent moins de la forme que de la couleur, imaginée de concert par les cinq musiciens. La palette qui accueille et mélange tous les pigments n’est autre que le piano.
Ces deux œuvres, dans l’interprétation qui est donnée en ce soir de concert, entrent ainsi en écho avec la relation de Bernard Flavigny à la musique, à ce que le piano lui doit et lui apporte conjointement.
Florence Lethurgez
Brahms, Trio n° 1 opus 8 en si majeur
Pierre Stéphane Schmidlet, violon
Frédéric Lagarde, Violoncelle
Michel Bourdoncle, piano
Dvorak, Quintette n° 2 opus 81 en la majeur
Pierre Stéphane Schmidlet, violon
Michel Durand-Mabire, violon
Marie Anne Hovasse, alto
Frédéric Lagarde, Violoncelle
Michel Bourdoncle, piano