Journal Festival III : concert en duo Witkowski

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Le troisième moment musical du Festival déploie le piano dans deux manières de faire sonner ses différentes octaves, ses différents registres, mettant au travail de la sonorité, de l’espace et de l’équilibre ses interprètes simultanés. Gisèle et Fabio Witkowski, couple à la ville et partenaires au piano, brésiliens d’origine et nord-américains de résidence, présentent un programme qui apparie les espaces transatlantiques aux rives occidentales de la méditerranée, en passant par le creuset du romantisme allemand.
L’éternelle œuvre de jeunesse de Schubert, la Fantaisie en fa mineur, mystère d’inspiration et de composition, sonne côté primo, dans ses intervalles ascendants soulignés, ses intervalles descendants abandonnés, comme un lied fervent, côté secondo, dans ses fondements harmoniques et ses résonances, comme le territoire natal arpenté par un poète imaginaire.
L’Andante op. 46 de Schumann ouvre grand l’espace sonore, superposant les registres médians des deux instruments, disposés en miroir l’un de l’autre. Du grand chaudron romantique, travaillé par les doigts et les regards complices du duo, s’échappe un arôme d’orchestre imaginaire, et parfois entêtant, forme thème et variations oblige. Plus que la virtuosité grandissante, c’est l’ampleur sonore, construite pas à pas, qui remplit le silence de la nuit.
Après l’entracte, le compositeur aixois Darius Milhaud, s’invite au cœur de la nuit : festive et chorégraphique, jusqu’au déhanché. Le bœuf sur le toit, et ses riffs récurrents et obsessifs, font de la musique, sous les quatre mains du duo Witkowski, un moment de transe hypnotique. La partition se déroule, en accéléré et en ralenti, sur un tapis roulant, tel un disque vinyle, au son gravé dans les mémoires de cabaretiers. Mémoire encore, avec Scaramouche, et ses petites rengaines de poupées, d’un piano qui parle à l’autre piano : de samba, d’origine et de vivacité.

Florence Lethurgez