Dernière soirée au Château Grand Callamand

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arthur jaron au Chateau Les Nuits Pianistiques

Programme du festival Les Nuits Pianistiques le 13 juillet

Mardi 13 juillet à 18 h

Musique polonaise

Chopin, Mazurka n° 1 opus 24 en sol mineur, Mazurka n° 2 opus 24 en do majeur
Szymanowski, Mazurka n° 1 opus 50 en mi mineur, Mazurka n° 3 opus 50 en do dièse mineur
Chopin, Nocturne n° 2 opus 9 en mi bémol majeur, Nocturne n° 2 opus 27 en ré bémol majeur, Polonaise n° 1 opus 26, Valse n° 1 opus 34 en la majeur,
Paderewski, Menuet n° 1 opus 14 en sol majeur, Sarabande n° 2 opus 14 en si mineur, Légende n° 1 opus 16 en la bémol majeur

Artur Jaron : piano

Mardi 13 juillet à 20 h 30

Duo Schiavo Marchegiani
Piano quatre mains
Mozart, Sonate en si bémol majeur Kv. 358
Schubert, Fantaisie en fa mineur op. 103 D. 940
Brahms, Danses hongroises n° 2 en ré mineur et n° 5 en fa dièse mineur
Rossini, Ouverture de « l’italienne à Alger »

Marco Schiavo
Sergio Marchegiani

Le début de soirée revient, en écho au récital de la veille, sur Chopin, avec une déclinaison de pièces de genre, issues de la danse (mazurkas, polonaise, valse) ou de cette romance sans parole, qui s’écoute quand vient la nuit, qu’est le nocturne. Suite à la série de mazurkas, Arthur Jaron, pianiste polonais, au toucher plein et perlé, choisit deux nocturnes, dans des couleurs adoucies par deux tonalités chargées de bémols (mi bémol et ré bémol). L’usage de telle ou telle tonalité est ce qui va donner à ces pièces, chez Chopin, leur ambiance particulière, qui se mêle délicatement au cadre, à la fois intime et ouvert (à la polonaise et à la valse), dans lequel elles sont jouées. Le récital en extérieur, au château du Grand Callamand, offre cet équilibre acoustique et optique. Le public est proche de la scène, et son écoute est comme agrandie par sa vision du changement incessant des couleurs du ciel, des anciennes pierres et de la campagne. Il vit une expérience qui s’enrichit, subtilement, par tout ce que la Musique, ses compositeurs (et ses interprètes) et la Maison, ses viticulteurs (et ses habitants), vont progressivement apporter. Ainsi, l’écoute de Chopin s’entremêle (notamment pour les mazurkas) et s’enrichit de celle de deux autres compositeurs polonais, Szymanowski et Paderewski, deux figures extraordinaires, mais davantage connues des spécialistes du piano. Le premier, Szymanowski, compositeur, voyageur et musicographe, est connu pour avoir fait évoluer l’écriture pour violon. Les deux mazurkas jouées ce soir, avec celles de Chopin, en mode mineur, montrent son attachement vif à la Pologne dans la dernière partie de sa vie, et à la modernité qu’il entendait entre les notes des œuvres de Chopin. Le second est une figure étonnante de pianiste-compositeur d’une part, et d’homme politique et mécène d’autre part. Une puissante et nostalgique trilogie chorégraphique se termine sur une pièce qui laisse toute sa place et son importance à l’imaginaire : Légende.

La deuxième partie de soirée s’enrichit de deux autres mains, avec le duo Schiavo-Marchegiani. La musique austro-allemande, ainsi que le voyage (L’italienne à Alger…), si prisés par Szymanowski, y sont justement à l’honneur. L’oreille est préparée à se concentrer par un choral de Bach et son tapis de notes régulières, comme un cœur battant… L’opéra était une source d’inspiration constante pour Mozart, dont même sa musique la plus instrumentale était pétrie, comme c’est le cas de la Sonate en si bémol majeur Kv. 358, œuvre architecturée cette fois en trois mouvements. Cette œuvre sobre et dentelée, exploite à merveille toute l’étendue du clavier, et demande à ses interprètes de jouer d’une seule et grande main. Le grand portique testamentaire qu’est la Fantaisie de Schubert vient alors se glisser, dans l’air un peu glacé par les caprices de l’été provençal, comme en écho aux concerts crépusculaires et élégiaques de la veille. Le récital se poursuit par deux danses hongroises de Brahms (n° 2 et 5), pensées immédiatement à quatre mains par le compositeur, et arrangées, en raison de leur succès, pour piano et violon ou encore pour orchestre. Comme chez Rossini, tout l’imaginaire de l’Autre, ici le chant et la danse du peuple tzigane (czardas), vient se confondre avec l’écriture savante occidentale. Toutes sont fondées sur le principe irrésistible de l’alternance d’ambiance : le lent et le vif, le mineur et le majeur, la nuit et le jour… czardas se traduisant par « auberge » en hongrois. Le répertoire à quatre mains permet également, grâce à la transcription, d’acheminer les grandes formes symphoniques et lyriques dans l’intimité des salons, comme semble maintenant surgir de la fosse d’orchestre, l’ouverture de l’opéra (plus précisément dramma giocoso) L’italienne à Alger du compositeur cosmopolite Rossini. L’air du soir se met subitement à crépiter, avec une énergie et une rythmique bien particulières, qui regarde vers l’Orient. En bis, le concert se termine par une autre transcription de Rossini, l’ouverture de La pie voleuse, avec ses pitreries, comme un clin d’œil aux oiseaux et au vent qui tournoie. Les deux artistes, conscients de ne plus pouvoir monter en puissance et en énergie, calment le jeu avec une berceuse de Brahms. Et c’est ainsi que la nuit tombe sur l’Auberge du Grand Callamand.

Florence Lethurgez
Musicologue

château Grand Callamand le 13 juillet : route de La Loubière 84120 Pertuis