Le cadre exquis et patrimonial du Château du Grand Callamand, partenaire esthétique et gustatif des Nuits pianistiques d’Aix-en-Provence, ouvre sa chaleureuse salle de réception à des voyages musicaux d’hiver, et variés. Ils le sont à la faveur des rencontres entre deux musiciens français, ancrés dans les mondes de la musique vivante : le violoniste Francis Duroy et le pianiste Michel Bourdoncle.

Les deux œuvres au programme de ce concert, la Sonate pour violon et piano en la majeur de César Franck et la 3e Sonate pour violon et piano en ré mineur de Johannes Brahms sont emblématiques du répertoire des sonates consacrées à ce duo chambriste.

Leur esprit offre un contraste entre lumière et ombre, lyrisme et introspection, chaleur et rigueur, la sonate de Franck étant dédiée au violoniste Eugène Ysaÿe à l’occasion de son mariage, celle de Brahms composée dans l’humeur mélancolique de sa maturité.

Mais ce contraste d’humeur masque des liens profonds entre les deux œuvres, contemporaines l’une de l’autre (1886, pour la première, entre 1886 et 1888 pour la seconde). Un même souci de construction formelle, adossé à des mélodies qui s’épanouissent d’un mouvement à l’autre, confère à ces deux sonates leur cohérence et leur densité. Leur équilibre réside enfin dans le dialogue profond entre les deux instruments, fusionnel chez Franck, contrasté chez Brahms.

Mais les deux œuvres, surtout, offrent à l’auditeur un voyage jusqu’à l’essence des émotions, selon l’esthétique et la quête du romantisme tardif. Les deux solistes, aguerris à l’expression de la joie comme de la gravité, de l’effusion comme de la méditation, ont à cœur de faire dialoguer entre elles deux formes d’accomplissement égalitaire du dialogue chambriste entre le piano et le violon… une des missions des Nuits pianistiques.

Florence Lethurgez

Cordes et piano en trio : Chopin, Rachmaninov et Brahms

Thomas Yung / Uliana et Denis Zhdanov / Michel Bourdoncle

Le Festival Les Nuits pianistiques d’Aix-en-Provence construit, depuis la saison dernière, un partenariat fécond et dynamique avec le théâtre de La Chaudronnerie à la Ciotat, lieu d’échanges ouvert, à la programmation éclectique, lieu patrimonial également, ancien bâtiment des chantiers navals, restauré, aménagé et régénéré pour accueillir tous les publics, pourvu qu’ils soient curieux !

Les cinq rendez-vous Samedi ça vous dit ? dédiés à la musique classique donnent carte blanche à Michel Bourdoncle, directeur artistique des Nuits pianistiques, en coordination artistique et culturelle avec Didier Chalaux.

Les axes forts de ces concerts, qui s’échelonnent d’octobre à avril, sont les jeunes talents et la musique de chambre avec piano, comme musique au cœur et cœur de la musique. Car le Festival est aussi une Académie internationale, soucieuse de transmettre l’excellence dans le domaine de la musique classique, dans toutes ses expressions instrumentales et vocales, en compagnonnage avec le piano.

En prélude à cette soirée romantique, le jeune pianiste Thomas Yung joue des oeuvres de Chopin. En formation chambriste, Uliana Zhdanov, Denis Zhdanov et Michel Bourdoncle interprètent le Trio n° 1 en sol mineur de Rachmaninov et le Trio n° 1 de Brahms en si majeur.

Le coup d’envoi de la saison réunit une formation chambriste : violon, violoncelle et piano, équilibrée selon les trois points d’un triangle instrumental. Le trio de Rachmaninov, dit « élégiaque », composé en 1892, est l’œuvre d’un compositeur âgé d’à peine 18 ans. Au cours d’un seul mouvement, il déploie douze moments, tels les douze couleurs que l’avancée du temps donne à la lumière. La seconde partie du concert poursuit l’exploration de la formation Trio pour piano et cordes, par une œuvre de Brahms, écrite en 1853-54, mais révisée par le compositeur en 1891, jeunesse et maturité se répondant ainsi au cours de la soirée. Des quatre mouvements habituels, propres à la sonate classique et romantique, Brahms inverse la place dévolue à l’Adagio et au Scherzo, ici en troisième et deuxième position, comme s’il suivait l’élan spontané de son inspiration.

Tous les concerts débutent à 17h et se déroulent dans le cadre intime de la salle Saint-Exupéry.

Pour réserver :

Sur internet : lachaudronnerie-laciotat.com

Par téléphone : 04 84 42 01 84 (du lundi au samedi de 10h à 19h)

Les mélodies de Chopin, chansons polonaises, écrites entre 1827 et 1847, pour soprano, sont des petits bijoux, trouvés, retrouvés, assemblés pour l’édition de manière posthume, peu connus en France. Or, ils sont déjà pénétrés par cette vocalité que le compositeur polonais confiera au piano, au cœur de ses pages les plus expressives et consolatrices. Le chant de ce recueil – une petite vingtaine de pièces sur des textes poétiques et évocateurs – est celui de la terre natale, du féminin. Cette racine forte parcours l’instrument de la chanteuse polonaise, qui imprègne l’air de la nuit d’été de son timbre de mirabelle, sa prosodie rigoureuse et son engagement émotionnel. Au piano, Michel Bourdoncle, donne l’impulsion, la matière et la couleur, propre au grand tapis pianistique, à l’affût des moindres soupirs et inflexions de la voix humaine.

 

 

La soirée s’achève par le récital du pianiste espagnol Leo de Maria, qui, par l’enseignement reçu de son père, Leonel Morales, s’inscrit dans la lignée des grands pianistes cubains. Deux lignes fortes du Festival Les Nuits pianistiques sont ainsi réunies pour cette soirée de clôture : jeunesse et internationalité. La sonate en mi bémol majeur de Mozart sonne avec une délicate ampleur sous les pulpes du pianiste, prolongée par l’Impromptu no 2 en fa dièse majeur opus 36 de Chopin, tout en retenue et intériorité, joué comme à fleur de doigts. Une pièce du compositeur espagnol Granados, El amor y la muerte, balada (extrait des Goyescas, livre II) ajoute sa palette sombre, austère et méditative, ce romantisme noir et mystique propre à l’art espagnol. La Sonate pour piano no 8 en si bémol majeur op. 84 de Prokofiev, l’avant-dernière sonate de guerre (écrites entre 1939 et 1944), fait appel au toucher d’alchimiste du pianiste, à même d’extraire la pureté du chaos, la sérénité du tourment, l’unité de l’éclatement. Un final donné en bis, apporte sa fougue après la fureur : La Valse de Ravel, laboratoire et apothéose pianistique du poème symphonique à venir ! Quoi de mieux pour clore Musique dans la rue selon Les Nuits pianistiques !

Florence Lethurgez