Comme son nom ne l’indique pas, l’Académie des Nuits pianistiques, est ouverte, depuis 2006 et au fil de ses éditions, à tous les instruments, comme, par exemple cette année, le violon, la flûte, la guitare, la clarinette, le violoncelle, etc. Sa particularité est de se dérouler pendant le volet estival du Festival, afin d’immerger les stagiaires dans un grand bain de musique vivante, le conservatoire Darius Milhaud étant doté d’un écrin acoustique exceptionnel, l’Auditorium Campra. D’une jauge de 500 places, éclairé de manière subtile et sensible en fonction du déroulement musical, il est le cadre impressionnant et formateur du concert de fin de stage, toutes classes mélangées.

Ces concerts de fin de stage, un par session (du 29 juillet au 4 août puis du 5 au 11 août cette année), sont fidèlement suivis par le public du Festival, les stagiaires et leurs accompagnateurs et, bien sûr, les professeurs, qui ne manquent pas de faire un retour circonstancié à leurs élèves sur leur interprétation. Il n’est pas rare que les cours se poursuivent après ce moment, certes central, mais qui n’est pas la finalité absolue de la session d’enseignement. Le concert est l’occasion d’évaluer les exigences propres au jeu en public, d’expérimenter les enseignements prodigués et parfois de constituer, le temps du stage, un ensemble de musique de chambre – quand le stagiaire n’est pas accompagné par Samuel Parent, accompagnateur fidèle de l’Académie.

Professeurs et stagiaires, à l’image du Festival, viennent d’ici – Aix et la France – et d’ailleurs – l’international -, et sont heureux de bénéficier d’un environnement de travail particulièrement adapté dans le conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence. Notons, comme l’a signalé Michel Bourdoncle dans son allocution de clôture, que l’Académie vise l’excellence, tant pour les futurs professionnels que pour les adultes amateurs, en passant par les stagiaires de niveaux intermédiaires. Ces derniers découvrent, de manière précoce, les exigences de professeurs sélectionnés pour leur investissement et leur engagement en faveur de la pédagogie de la musique. Cette découverte peut être décisive dans le découlement de leur parcours de formation et justifie l’existence d’une Académie, à la fois parenthèse entre les cursus institutionnels de formation et tremplin pour les rejoindre.

Florence Lethurgez

Ce samedi 10 août, le Festival, dont l’un des axes forts est la transmission – reconnaissance des grands passeurs, engagement des acteurs du présent et projection vers ceux de demain – a tenu à célébrer Dominique Merlet, maître de musique, de piano et de vie, présent dans la salle puis sur la scène lors des saluts finaux.

Philippe Cassard, au micro, trace la figure du maître, professeur au Conservatoire National de Paris puis à la Haute École de Genève, en insistant sur « sa passion, son exigence, son éthique du métier, au service sacré de la musique et des compositeurs. »

Il recueille les témoignages des élèves des différentes générations – pour la première cinquante ans en arrière – qui, après avoir joué, semblent revivre avec une grande émotion ces années cruciales de formation.

Ils abordent le piano comme une palette de couleurs qu’ils tiendraient entre les deux prolongement des mains que sont leurs bras, souplement arrondis en demi-couronne à l’avant de clavier.

Sur le plan du répertoire, la diversité des œuvres sélectionnées par la dizaine d’artistes, rend compte d’une des préoccupations centrales du professeur Dominique Merlet : doter ses élèves de répertoires cohérents, de Bach à Bartók, afin, selon ses mots, « qu’il n’y ait pas de trous dans la raquette » !

L’auditeur retient l’axe puissant d’un hispanisme subtil, que Dominique Merlet aura fait découvrir à la pianiste espagnole Marta Zabelata (extrait d’Iberia d’Albeniz), avec son mysticisme souterrain, austère et intense (Michel Bourdoncle, Déodat De Séverac, Les Muletiers devant le Christ de Llivia).

L’autre axe puissant, qui circule d’œuvre en œuvre, d’interprète en interprète, est celui du chant, ample chez Fauré, lyrique chez Chopin, bouleversant chez Schumann, religieux sous les doigts mis au sublime travail de l’écriture polyphonique par Frédéric Aguessy (Bach, Aria “Schafe Können sicher wieder”, transcrit pour piano par Egon Petri, élève de Busoni), et fluide : toujours.

L’esprit du Festival souffle sur la scène de l’auditorium Campra en rendant palpable la ligne ininterrompue du grand maître Dominique Merlet : hommage à la musique telle qu’elle se déroule, se vit, se transmet, se reçoit et se partage au gré des grandes rencontres. Le maître, très ému, ne s’attendait pas à cela : une salle comble, autant d’élèves, d’œuvres, de témoignages et d’élan, de la musique au cœur.

Florence Lethurgez

Une poignée de pianistes, anciens élèves du grand professeur Dominique Merlet, au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, offrent un florilège d’œuvres en son honneur, sous la forme de miscellanées, étymologiquement choses mêlées, recueil varié dans le domaine littéraire, scientifique, mais également musical.

Leur principe unitaire est, au sens fort, d’ordre didactique. Tous les interprètes ont été formés à l’école rigoureuse et généreuse du Maître, et témoignent, à travers le choix même des œuvres, de la diversité et de la richesse des répertoires couverts et ouverts par son enseignement, de Bach à Poulenc, en passant par Mozart, Chopin et Liszt. Et pas seulement !

Un voyage guidé par le gouvernail du cœur et de la reconnaissance.

Florence Lethurgez