Journal du Festival VI : soirée musique de chambre
Trois solistes, dont deux enseignent à l’Académie des Nuits pianistiques, consacrée à tous les instruments, se partagent un programme de musique germanique baroque et classique puis française et moderne. Un concert placé sous le signe de l’échange flûte et violon autour du piano, dans l’écrin boisé, aux aménités particulièrement chambristes, de l’Auditorium Campra.
La musique de Bach, qui semble avoir déjà-toujours-commencé, avant les premières notes, est un objet rare, avec Nikita Mndoyants au piano et Jean Ferrandis à la flûte, une cosa mentale, une chose de l’esprit, mais également du corps, une mathématique sensorielle, sévère et envoûtante, une offrande musicale au crocheté divin, déroulant son propre ordre du monde.
Ordre du monde propre à Beethoven également que la Sonate dite à Kreutzer, ce dédicataire fantôme, en mal d’intelligence virtuose. Autre cosa mentale que cette œuvre, qui prend une dimension spirituelle, sous les doigts des deux interprètes russes, Edouard Sonderegger et Nikita Mndoyants : portique d’entrée dépouillé, thèmes puissants et farouches, variations captant l’épiderme phosphorescent du sonore.
Autre lumière épidermique, avec Poulenc et le souffle ambré de la flûte de Jean Ferrandis. Les alliages se font incisifs ou moelleux, fluides ou sifflants, portés et augmentés par les résonances du piano et le vibrato de la flûte, comme caresse du vent dans les fougères.
Enfin, autre caresse, offrande élégante et raffinée, sous l’archet d’Edouard Sonderegger et les doigts à la souplesse millimétrée de Nikita Mndoyants, avec l’œuvre d’un Debussy, qui au soir de ses jours, cherche, encore et toujours, à saisir le mystère du temps musical.
Florence Lethurgez