Les Nuits pianistiques à Musique dans la rue

Le festival Musique dans la Rue qui couvre les lieux emblématiques d’Aix-en-Provence de concerts en tout format et en tout genre (récitals, fanfares, musiques du monde, classique, opéra, Jazz, etc.), bat son plein, en entrée libre et en plein air.

Le podium tenu par le Festival-Académie Les Nuits pianistiques d’Aix-en-Provence a la chance d’occuper la cour intérieure, plus précisément le cloître, de l’École Sainte Catherine de Sienne, à deux pas de l’Église de la Madeleine.

Pendant quatre soirs, ce ne sont pas moins seize moments musicaux d’environ trente minutes, qui vont se succéder, de 18h à 21h30, sur la scène surplombée d’un beau piano de concert Steinway.

Chaque heure de concert bénéficie de son public fidèle ou néophyte (couvrant les quatre cinquièmes de la jauge de 300 places), des couleurs du couchant sur la pierre chaude de l’édifice, des rumeurs des oiseaux et des souffles légers de la brise à travers les feuilles de platanes. Ces-arbres maîtres ont vu passer sous leurs ramures beaucoup d’événements et plusieurs générations d’écoliers. Ils participent à donner à l’acoustique du lieu ce mélange de profondeur et de résonance qui calibre les pianissimi et les fortissimi que les instrumentistes parviennent à extraire de l’instrument, depuis la table d’harmonie jusqu’aux pulpes de leurs doigts.

Ces quatre soirées (du dimanche 21 août au mercredi 24 août) viennent clôturer la programmation du Festival-Académie Les Nuits pianistiques d’Aix-en-Provence, dont les trois semaines, entre fin juillet et mi-août, viennent de s’écouler au Conservatoire Darius Milhaud. Le pari tenu de programmation est original et cohérent. Original car il repose sur la programmation de jeunes artistes de la scène locale ou déjà nationale, tous prometteurs, et qui sont à la croisée de la formation et de la professionnalisation. Cohérent, en regard des missions de transmission de la musique que s’est donné le Festival, en se doublant d’une Académie depuis 2006. Le jeune âge des musiciens qui viennent s’exprimer sur scène permet de comprendre combien l’apprentissage de la musique, et, au-delà, de l’exécution sur scène de manière précoce, est cruciale.

Il est impossible de sélectionner les uns, les unes et les autres, donc nous les citerons toutes et tous : Anamaria Beqaj, Sascha Morin, Olga Bodarenko, Mathis Catignol le dimanche, Clément Joguet, Thomas Jung, Ivan Romhein, Jan Jakub Zielenski le lundi, Titouan Joyeuse, Ulysse Escaravage, Aurore Belraouti, Marina-Carlota Capomaccio et Raphaël de Chaumaray, le mardi, enfin Ava Lescure-Bourdoncle, Juliette Nigoghossian, Yukie Yokoyama et Solenne Perreto Ferra le mercredi. Saluons la diversité de genre, d’âge et d’origine de ces jeunes, tous réunis à Sainte-Catherine de Sienne et dans « la jubilation des nuées sonores » (comme l’écrit Sophie Joissains, maire d’Aix-en-Provence dans l’éditorial du programme général).

Grâce au public, venu écouter avec ferveur la nouvelle scène classique de leur territoire, les artistes en herbe sont amenés à se transcender, à obtenir de nouveaux réflexes de présentation sur scène, à faire silence en eux, afin d’écouter le son et gérer la pulsation qui rythme leurs partitions. Le silence propre à l’écoute profonde du public devient ainsi un levier. Il leur permet de faire de leur émotivité une force sur laquelle repose la confiance qu’ils trouvent alors en eux.

Le podium devient ainsi un espace-temps de formation, et c’est particulièrement cela que vient expliquer au public toutes les heures Michel Bourdoncle, qui dans les coulisses, accompagne les artistes. Ces derniers sont souvent ses élèves, aussi il les enveloppe de conseils précieux avant et après leur prestation.

Le directeur artistique du Festival-Académie, professeur de piano au Conservatoire Darius Milhaud, explique également au public la dynamique d’apprentissage des élèves. Elle conduit certains d’entre eux à faire évoluer le programme annoncé. En cette fin de mois d’août, les répertoires sont à la croisée du travail de fin et de début d’année, sachant que les années comptent double voire triple, dans le moment crucial de la formation.  Musique dans la rue est une occasion unique pour ces jeunes musiciens de s’affronter, non seulement à la scène, mais également à la délicate question de l’érosion des programmes passés et du rodage d’œuvres nouvelles.

Le public entre ainsi dans la « fabrique » artistique pour mieux accompagner encore les jeunes dans leurs premiers pas importants d’artistes et surtout dans l’évolution de leur jeu, saisie quasiment en temps réel. La conscience scénico-musicale se construit ici grâce à ce partenariat précieux entre Les Nuits pianistiques et Musique dans la rue, deux institutions musicales qui s’inscrivent dans la durée, l’une de trente ans, l’autre de cinquante ans.

 

Florence Lethurgez

Musicologue

Vice-présidente de l’association Musiques-Échanges