Ce mercredi 7 août, la grande dame russe du piano, a donné un récital rare, autour de trois compositeurs, Haydn, Beethoven et Schumann, trois modèles de rigueur et de liberté d’écriture, que restitue le jeu pénétrant de l’artiste.

Le public de l’auditorium Campra fait silence, dès les premières notes, comme hypnotisé par un jeu pur, précis, puissant, habité par le chant intérieur déposé par les compositeurs dans leurs œuvres et dont la pianiste exalte la parenté : jeu de formes entre sonate, fugue, variations et alternance ordonnée de momentform, forme momentanée, sous les doigts d’une interprète totalement dévouée à l’art du piano.

Fugacité de l’instant : le battement du trille, si différent d’un compositeur à l’autre, monte et descend de la scène en poussière d’étoile, passant de l’ornement (Haydn) au fondement (Beethoven), avant de se fondre dans le chant schumannien. Le rythme, élément saillant sous les mains souverainement tactiles et préhensiles de Natalia, est l’énergie avec laquelle l’artiste poursuit la quête des confins pianistiques. Le toucher, ce saisissement du clavier, part à la recherche du noyau sonore, qu’enrobe un legato pensé à l’échelle de la note chez Haydn, du motif chez Beethoven, de la séquence chez Schumann.

Haydn, Variations en fa mineur Hob XVII/6
Beethoven, Sonate n° 32 op. 111 en do mineur
Schumann, Davidsbündlertänze op. 6

La seconde semaine du Festival se recentre sur ses missions premières ainsi que sur la dimension pleinement architecturale du piano. Au programme, les deux concertos de Chopin, avec, au gouvernail, le chef américano-polonais Marius Smolij, et aux manettes poétiques et puissantes du grand instrument noir, les deux jeunes solistes Jan Jakub Zieliński (Concerto n ° 2 op. 21 en fa mineur) et Seonghyeon Leem (Concerto n ° 1 op. 11 en mi mineur). Mission première ? Réunir les territoires, les horizons et les inspirations : une phalange locale (l’ensemble  Giocoso, constitué d’une quinzaine de cordes pour l’occasion et résidant à Rousset), un chef international et deux jeunes talents, formés en France et en Europe.

Il est tentant de comparer et unifier les deux opus concertants du maître polonais : un premier mouvement classique, un deuxième poétique, un troisième chorégraphique. Pourtant, les deux interprètes, conviés en direct vis-à-vis par la programmation exploratoire du Festival, distillent leur relation propre aux différentes facettes déployées dans l’écriture savante, classique et romantique, des deux œuvres.

Une même capacité les réunit, celle de savoir projeter au sein même de leur jeu l’orchestre intérieur et idéal qu’ils se font de leur partition, tout en lançant dans le grand bain des cordes, ses grandes carrures ou ses cantilènes infinies. Une fluidité lyrique, portée par la sérénité de l’un, la ténacité de l’autre, émane de la table d’harmonie. Un pianisme, poétique ou décidé, absorbe et soutient dans ses résonances, le ruban des cordes tissé en temps réel par un Marius Smolij, aux gestes attentifs, précis et rassurants.

Florence Lethurgez

natalia troull concertiste

Le troisième récital pour piano seul du festival, donné par la pianiste russe Natalia Troull, change d’époque et peut-être de perspective face à l’histoire du répertoire pianistique, par une première partie de soirée qui se donne comme un hommage au classicisme.

Deux œuvres, de Haydn et Beethoven, compositeurs de la première école de Vienne avec Mozart, explorent les possibles et les frontières des formes tonales en conjuguant fraicheur d’inspiration et quête méditative.

La seconde partie de soirée est encore consacrée à la forme longue, où l’exploration se fait presque obsessive chez Schumann, compositeur romantique profondément inspiré par l’imaginaire qu’exaltent, dans sa propre psyché, les relations mutuelles entre les mots et les sons musicaux.

Florence Lethurgez

Haydn, Variations en fa mineur Hob XVII/6
Beethoven, Sonate n° 32 op. 111 en do mineur
Entracte
Schumann, Davidsbündlertänze op. 6